25 août 2010

Elections 2010 vues par un lecteur de "O Globo" : pauvres riches...

Je suis tombé aujourd'hui sur une effarante missive du fameux Courrier des Lecteurs du journal O Globo (quasiment hégémonique aujourd'hui après la disparition des kiosques de son concurrent historique O Jornal do Brasil, qui ne survit que sur Internet désormais...), dont la naïveté confondante et l'indécence (assumée ?) fraient avec une étonnante méconnaissance de la réalité de ce qu'est le Brésil d'aujourd'hui, un pays de 190 millions d'âmes dont près de 45 millions vivent encore sous le seuil de pauvreté...
A vous de juger :
"Les riches de notre pays sont complètement démoralisés par les différents candidats au poste suprême (la présidence de la République du Brésil, bien sûr).  Cela en devient révoltant (sic). Tous les candidats ne proposent que de défendre les pauvres, de combattre la misère, de concéder plus de bénéfices à notre plèbe. Les riches, délaissés, sont orphelins. Qui défend les grands et valeureux banquiers ? Qui tient haut la bannière de la raffinée élite socio-économique ? Qui affiche ouvertement son appui aux intérêts louables du capitalisme ? Pauvre campagne électorale : tout en faveur de la misère, rien en direction de la richesse, du luxe".
Le sieur Paulo Sergio Argolo (qui s'avère être, après une petite recherche...prof de maths, carioca et botafoguense) y va plutôt franco, vous en conviendrez ! Je me suis même demandé dans quelle mesure tout ceci n'était pas une brincadeira (une plaisanterie, certes de mauvais goût)...Qu'en pensez-vous ?

18 août 2010

Lula, la "mère" de la patrie...

La dernière enquête de l'institut Ibope parue le 16 août dernier confirme l'incroyable popularité du président en exercice, Lula da Silva : 78% des sondés approuvent l'action du chef de l'état brésilien, quand 18% la considèrent "correcte" et...seulement 4% jugent son action "mauvaise" ! Ces chiffres, tout simplement sidérants pour un président en fin de double mandature, provoquent l'étonnement et l'admiration de tous les chefs d'état de la planète, qui s'interrogent sur le "secret Lula". Un charisme prodigieux, une empathie naturelle, un bilan économique et social (très) favorable, plusieurs facteurs semblent expliquer cette popularité inédite dans une démocratie moderne.
Et si finalement le grand secret de Lula se nichait dans les très récentes déclarations, faites hier dans l'état du  Pernambuco lors d'une visite à des ouvriers de la compagnie ferroviaire du Nordeste ? Donnant comme certaine la victoire de sa "créature", Dilma Rousseff, le futur-ex président, dans une critique indirecte à son prédécesseur, Fernando Henrique Cardoso, a annoncé à propos de ses projets futurs :
Lula et les ouvriers de la Transnordestina
"Je vais quitter le gouvernement, mais je vais continuer à me balader à travers le Brésil. Celui qui croit que je vais quitter la Présidence pour aller à Paris, pour aller à Harvard, pour aller je ne sais où...je vais aller dans le sertão (les grands plateaux arides du Nordeste brésilien), voyager dans le Brésil tout entier et voir ce que j'ai fait et ce que je n'ai pas fait. Si je constate des erreurs, je vais prendre mon téléphone et appeler ma présidente : 'écoute, quelque chose ne va pas, que je ne suis pas parvenu à accomplir. Tu peux le faire pour moi, ma fille, parce que moi je n'y suis pas arrivé !'...Le Brésil n'est pas l'avenue Paulista (le centre des affaires de São Paulo), le Brésil n'est pas l'avenue Copacabana. Le Brésil est le sertão. Et je sais que cela dérange beaucoup de gens...Les chercheurs et les docteurs doivent étudier et inventer. Mais un président ne doit pas inventer, il doit faire. Il faut s'occuper du peuple. Je veux gagner les élections (en fait, Dilma...) pour continuer de m'occuper de mon peuple, comme une mère s'occupe de ses enfants, pour s'occuper de ceux qui sont les plus nécessiteux, les plus fragiles...Nous faisons comme ferait une mère : quand une mère sert ses cinq gosses affamés, et qu'elle dit qu'il y a un bifteck pour chacun, personne ne vole le bifteck de l'autre. Nous sommes en train de distribuer la viande en tenant compte des besoins, pour que tout le monde ait la possibilité de grandir."
Tout est dit, non ?

16 août 2010

Election présidentielle brésilienne : Dilma creuse l'écart !

Si vous êtes des lecteurs réguliers de mon blog (ce que j'espère !), vous savez combien je suis amoureux de ce pays, de cette incroyable ville qu'est Rio et de la vie que nous menons ici. Je me rends néanmoins compte qu'il m'arrive parfois d'être trop laudatif, et de perdre le sens de la mesure : dans le fond, et vous le savez aussi, tout n'est pas rose au Brésil, loin de là, et notre vieille France a encore de beaux atouts à faire valoir face à la fougue et l'irrationalité brésilienne. Pour en revenir au post du jour, l'une des grandes faiblesses du Brésil d'aujourd'hui, à mon sens, c'est l'incroyable vacuité des débats politiques dans cette campagne présidentielle : alors que nous ne sommes plus qu'à 6 malheureuses semaines du vote décisif (le 3 octobre prochain),  les principaux candidats en lice (Dilma Roussef pour le PT de Lula, José Serra pour le PSDB, Marina Silva pour le PV) passent leur temps à se chamailler sur ce qui n'a pas été fait plutôt que de présenter leurs projets et programmes. Cela a été particulièrement criant lors du premier débat télévisé en date du 5 août dernier sur Band, où les seuls moments forts et notables ont été les différentes passes d'armes entre les candidats, Serra attaquant Dilma sur les insuffisances du gouvernement actuel en matière de santé et d'infrastructures routières, Dilma attaquant Serra sur...le bilan du gouvernement FHC (le président avant Lula, entre 1994 et 2002 !), Marina attaquant Dilma sur les failles en matière écologique de la présidence Lula, etc, etc...Mais de proposition constructive, de vision programmatique, de projection dans le futur...aucune ! Et ce ne sont pas les 12 petites minutes accordées la semaine dernière par le Jornal Nacional de Globo (et ses 60 millions de téléspectateurs !) à chaque candidat qui ont permis d'en savoir plus sur les intentions des uns et des autres s'ils venaient à être élus ! Le plus malheureux dans tout cela, c'est peut-être l'audience pitoyable recueillie par le débat : 5 points d'audience seulement, alors qu'en face la demi-finale retour de la Copa Libertadores São Paulo-Internacional (2 équipes brésiliennes !) recueillait quasiment...40 points d'audience !
Bref, j'attends avec impatience (!) le prochain débat télévisé et espère un peu plus de fond dans le contenu de celui-ci. Rien n'est moins sûr, et ce d'autant plus que les stratégies des opposants à Dilma devraient tendre vers plus d'agressivité (et moins de fond...) au vu des derniers résultats du sondage Datafolha, paru ce samedi 14 août, et qui voit la candidate du PT creuser (irrémédiablement ?) l'écart face à ses challengers, en particulier face à José Serra : Dilma grimpe ainsi à 41% d'intentions de vote (+5 points par rapport à l'enquête de juillet !), alors que José "le looser" (rappelons qu'il avait été largement battu par Lula en 2002...) chute de 4 points, à seulement 33% d'intentions de vote aujourd'hui -Marina restant très stable à 10%. Les courbes se croisent donc pour la première fois (cf infographie ci-dessous) et on a peur pour Serra que cela ne soit irrémédiable : Dilma n'a cessé de grimper au fur et à mesure que sa notoriété progressait et que son identification à Lula se consolidait (qui trône avec encore 77% de popularité au sommet des dirigeants les plus aimés au monde), quand Serra et son style compassé et tristounet ne semble plus avoir de réserves de vote. A telle enseigne que certains commencent déjà à parler de Serra au passé ("Serra a commis trop d'erreurs...il est un faible candidat..." a déclaré le porte-parole du PT au Sénat, Cândido Vaccarezza). Les tucanos (le toucan est l'emblème du PSDB) mettent bien en avant le fait que Dilma a profité de l'appel d'air du JN de Globo (elle a effectivement été interviewée entre les deux jours du terrain de l'enquête Datafolha), mais il n'en reste pas moins que la tendance est inquiétante pour l'opposition...qui risque d'y rester (à l'opposition) si son candidat ne réagit pas rapidement et ne démontre pas autre chose que cette espèce de torpeur bienveillante (il se garde bien d'attaquer Lula, compliqué de se dresser face au commandeur de la nation !) qui est sa marque de fabrique dans cette campagne...

07 août 2010

Petite visite à la favela Dona Marta !

Notre retour à Rio en ce début de semaine a coïncidé avec la venue de ma grande amie Anne-Marie, universitaire québécoise, qui après avoir vécu durant 6 mois à Rio au premier semestre 2009, y revient pour poursuivre ses recherches sur les évolutions de la société brésilienne (et profiter accessoirement des lieux !). Dans ce cadre, elle a programmé une "montée" sur le morro de Dona Marta, où vivent les habitants de la favela du même nom (à peu près 6.000 habitants dans un peu plus de 1.000 habitations), en particulier pour étudier les réactions de la population à la construction du mur censé protéger l'expansion de la favela sur la Mata Atlântica (je vous en ai déjà parlé ici). Elle accepte gentiment que je l'accompagne, et je promets d'être le plus discret et le plus sage possible :)
Nous rejoignons Tatiana (pas ma maman, non !), la guide-géographe qui assiste Anne-Marie dans sa découverte des lieux, puis nous arrivons au pied de la favela. Le calme règne, l'atmosphère est bon enfant, et nous avançons très naturellement jusqu'au pied du funiculaire de Dona Marta : inauguré en 2006 dans le cadre de l'opération "Favela Bairro", il permet aux habitants de rejoindre leurs quartiers respectifs sans trop souffrir de la déclivité des lieux. Nous l'empruntons au milieu des enfants qui rentrent de l'école, et nous en descendons en son premier arrêt (il compte au total quatre tronçons).   

Nous commençons à nous enfoncer dans Dona Marta, via la Rua da Matriz (la favela dispose de ses propres noms de rues, dont les affichettes ont été "sponsorisées" par la compagnie d'électricité), en traversant celle-ci d'est en ouest afin de nous approcher du fameux "mur de la honte". Plusieurs enfants gambadent dans les rues ou jouent de la "pipa" (les cerfs-volants), et nous ne ressentons aucune tension particulière ni aucune agressivité de la part des gens, comme si au fond la balade par des "étrangers" dans la favela pacifiée (Dona Marta a été la première des favelas de Rio à accueillir une fameuse UPP - Unité de Police Pacificatrice, j'en avais également déjà parlé ici et j'y reviendrai un peu plus loin) était devenue une activité naturelle, acceptée par tous.
Nous parvenons finalement aux abords du mur, non sans avoir devisé avec quelques habitants qui préparent, en ce vendredi après-midi, la "festa agostina" (fête d'août) de la communauté, qui aura lieu tous les week-ends de ce mois-ci. Ceux-ci sont globalement souriants et accueillants, et nous expliquent, à propos du mur, que celui-ci est très mal accepté par tous, qui y voient une tentative d'enfermement, voire de ségrégation (l'expression est d'ailleurs tagguée sur l'un des pans du mur...cf ci-dessous) de la part du gouvernement (de l'Etat de Rio), dans une logique d'opposition et de division (le verbe "dividir" employé par plusieurs habitants) des classes riches et de la population favelada. Tous considèrent que l'argument "préservation de la nature" ne tient pas la route, et il faut avouer que l'on voit mal la favela s'étendre encore à l'ouest, puisque l'on est à flanc de rochers...

Nous poursuivons la balade en grimpant un peu plus haut à travers les ruelles, jusqu'à ce belvédère refait à neuf et qui accueille depuis juin 2010 un portait et une statue de Michael Jackson ! C'est une oeuvre des habitants de la communauté en hommage à la pop star, qui, en 1996, avait tourné une bonne partie de sa chanson "They don't care about us" dans le coeur de Dona Marta ! Ci-dessous la photo de la statue ainsi que le clip vidéo de la chanson, pour le plaisir ! 

Nous reprenons le funiculaire pour monter tout au haut de la favela. Bien sûr les conditions de vie (et sanitaires en particulier) ne sont guère enviables à Dona Marta...en revanche, maigre consolation, les habitants bénéficient d'un panorama incroyable sur la Zona Sul de Rio : Dois Irmãos, Pain de Sucre, Corcovado, Lagoa...on peut embrasser d'une seule vue l'ensemble de ces symboles de la Cidade Maravilhosa ! Tout en haut, c'est là aussi où a choisi de s'installer l'UPP de Dona Marta, dans un petit immeuble bleu plutôt "cosy". Voici maintenant près de deux ans que les forces pacificatrices de la police sont présentes, commandées par la charismatique et jeune capitaine Priscilla de Oliveira Azevedo (une femme, oui, ce qui n'est pas semble t-il sans causer quelques soucis à certains mâles de la favela...), et force est de constater que si le calme est revenu, si les tiroteios (tirs sporadiques) se sont arrêtés, si le trafic de drogue semble avoir été éradiqué, la présence permanente d'UPP y est pour beaucoup (même si nous n'avons nous-mêmes croisé aucun policier durant les 3 heures que nous sommes restés dans Dona Marta). Les habitants le reconnaissent à demi-mot, mais soulignent également que leur quotidien n'a pas été drastiquement modifié (des règles existantes ayant été substituées par d'autres). On ne peut s'empêcher d'être un peu perplexe, car il nous semble que l'apport de la sécurité dans la communauté, et donc vivre sans crainte d'être blessé par une balle perdue, est un bien unique qui vaut finalement la mise en place de "nouvelles règles". Mais il est vrai que nous n'habitons pas au quotidien dans Dona Marta...Au hasard de notre balade, nous apercevons tout de même la célèbre Priscilla en compagnie de deux de ses hommes, à l'intérieur de la caserne...
Les deux questions majeures que soulèvent néanmoins les UPP sont la capacité à étendre le programme aux quelques 1.000 favelas de Rio, alors que seule une quinzaine d'entre elles sont pour l'instant dotées d'une police de ce type (cela paraît inenvisageable, faute de ressources, humaines comme financières), et la pérennité du dispositif, soit après la mandature de ce gouvernement estadual, initiateur du projet, soit après les Jeux Olympiques de 2016 (les UPP sont une vitrine évidente pour rassurer l'opinion internationale dans le cadre de ce grand évènement, mais qu'adviendra t-il après ceux-ci ?
 

Au-delà des UPP, il est à noter que la mairie de Rio vient de lancer un projet très ambitieux en direction des communautés de la ville (qui sous certains aspects me fait quand même un peu penser au programme "Favela Bairro" de la précédente équipe municipale), qui s'intitule "Morar Carioca" ("Vivre Carioca"), et dont l'objectif avoué est l'urbanisation complète des favelas de la ville à l'horizon 2020 -c'est-à-dire les doter de tous les services municipaux basiques type rues goudronnées, places, trottoirs, crèches, écoles, terrains de sport ou encore postes de santé...Le programme est doté d'un colossal budget de 8 milliards de reals (soit environ 3,5 milliards d'euros), à la mesure de l'ambition déclarée et de la taille du projet, herculéen lui aussi. "Morar Carioca" a pour objectif définitif de régulariser la situation des favelas, construites en zone de non-droit, et doit également intégrer un volet relogement pour les nombreuses communautés situées sur des morros à risque (voir les terribles glissements de terrain survenus en avril 2010). Là encore, l'enjeu majeur sera la continuité dans l'action et le respect des engagements pris, principalement en matière budgétaire, dans un pays où les projets se succèdent au gré des gouvernants à la recherche d'effets d'annonce...mais on aurait tort de faire la fine bouche et il faut accorder du crédit à ces programmes (UPP, "Morar Carioca") menées par un gouverneur d'Etat et un maire jeunes et plutôt décidés, après des années d'atermoiements et d'inaction en matière de gestion de l'espace urbain de Rio (et en particulier des favelas). 

Il nous faut maintenant quitter Dona Marta. Nous redescendons par le même funiculaire (après une petite attente due a une panne intempestive), dans lequel nous tentons de discuter avec une vieille habitante de la communauté, un peu acariâtre et boudeuse, qui nous fait comprendre que la présence de touristes (même si je me refuse par fierté à penser que j'en suis un) ou de visiteurs extérieurs à Dona Marta (là, admettons que j'en soit un ;) n'est pas pour la ravir...le tout dit sans animosité excessive néanmoins. On peut comprendre ce type de réactions, il doit être désagréable de voir passer régulièrement (on a croisé des -vrais- touristes argentins dans le funiculaire) des étrangers venus voir la misère ou se donner un petit frisson dans les zones prétendument à risque de la ville. Voilà aussi pourquoi j'ai mis aussi longtemps à "visiter" une favela, et pourquoi j'ai finalement souhaité le faire dans le cadre du travail mené par Anne-Marie. Merci encore à elle, l'expérience fut passionnante.

06 août 2010

Interview RTL : "Destination Ailleurs : Rio de Janeiro"

Après un long mois de vacances dans notre mère patrie française, me voici de retour à Rio. Je voulais initier la reprise de l'activité bloguesque en partageant avec vous le meilleur de l'interview que j'ai eu la chance de réaliser sur RTL durant ces congés. Au sein de l'émission estivale "Destination Ailleurs", le thème en fut bien entendu la vie à Rio, et le Brésil de manière plus générale.
Vous retrouver le podcast de l'entretien (libéré des plages de pubs et de chansons !) ici !
Bonne écoute ! :)

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