22 décembre 2010

Les 100 brésiliens les plus influents en 2010, selon Epoca

A l'instar de ce qu'a pu faire le newsmagazine concurrent Istoé à la fin 2009 (je vous en avais parlé ici), c'est au tour d'Epoca (le mag d'informations généralistes appartenant à la toute puissante Globo) de publier, dans son numéro daté du 13 décembre, la liste des 100 personnalités les plus influentes de l'année qui s'achève (cf couverture de l'hebdo ci-dessous).
Epoca a choisi de structurer son classement de façon assez originale, autour de quatre thématiques : les "Leaders", les "Constructeurs", les "Héros" et les "Artistes".
Découvrons-donc ci-après les vainqueurs de chacune de ces thématiques !

# Les "Leaders" :
Evidemment. Naturellement. Ca ne pouvait être qu'elle. Dilma Rousseff, la nouvelle présidente de la République du Brésil, élue confortablement à la fin octobre à la tête du 5ème pays le plus peuplé du globe, la première femme à occuper ce poste prestigieux, qui aura la lourde charge, à compter du 1er janvier prochain, de succéder au si populaire Lula da Silva, et de poursuivre la construction d'un Brésil plus juste et plus équilibré, le tout dans un contexte international compliqué et incertain. Bonne chance à elle, elle en aura bien besoin !
Dilma, photo officielle...
Suivent également dans la rubrique "Leaders" Marina Silva, la candidate du petit Parti Vert aux élections présidentielles, qui a surpris son monde en obtenant près de 20% des suffrages, puis Antonio Palocci, un fidèle de Lula, l'ancien ministre de l'Economie sous son premier gouvernement, qui va être nommé Chef de la Maison Civile (plus ou moins l'équivalent de notre poste de Premier Ministre) dans le gouvernement de Dilma,  et qui devrait ainsi jouer un rôle clé dans les prochaines années.

# Les "Constructeurs" :
Constructeurs, pour entrepreneurs, businessmen, donc. Là encore, un nom trône au-dessus des autres, il s'agit de Eike Batista, multi-entrepreneur (principalement dans le domaine de l'extraction de minérais), propriétaire -entre milles autres biens- de la Marina de Gloria (le chic Yacht-Club de la baie de Rio) et de l'hôtel Gloria (l'un des établissements les plus traditionnels de la Cidade Maravilhosa, actuellement en travaux) . Détenteur d'une fortune personnelle estimée à 27 milliards de dollars, il est rentré cette année dans le cercle très fermé des 10 hommes les plus riches au monde.
Eike et ses nouveaux cheveux...
Les autres "nominés" les plus prestigieux de la rubrique "Constructeurs" sont l'incontournable Abilio Diniz, le "dono" (patron/propriétaire) de Pão de Açucar, le groupe leader de la distribution au Brésil, toujours en phase de digestion de ses méga-acquisitions de 2009, les distributeurs spécialisés PontoFrio et CasasBahia, et André Gerdau, l'héritier de la dynastie du même nom, qui dirige depuis 2007 le plus grand groupe sidérurgique d'Amérique Latine...Gerdau ! La particularité d'André est d'être un fin cavalier : il a d'ailleurs représenté le Brésil aux épreuves hippiques de Jeux Olympiques d'Atlanta (1996) et Sidney (2000).

# Les "Héros" :
On quitte ici le terrain politique ou économique pour rentrer dans une thématique finalement plus "ouverte". Son "vainqueur" dispose déjà d'un statut et d'une notoriété impressionnants pour quelqu'un qui n'a pas fêté encore ses 19 ans et qui n'est sur le devant de la scène que depuis 18 mois. Il faut dire qu'il agit dans un domaine qui déchaîne les passions au Brésil (pas qu'au Brésil, bien entendu, mais surtout au Brésil), en l'occurence le football. Je veux parler de Neymar da Silva Santos Junior, dit Neymar, l'attaquant vedette du Santos FC de Pelé, deuxième meilleur buteur du Brasileirão qui vient de s'achever, et qui est certainement l'un des talents les plus prometteurs du foot brésilien, pourtant peu avare en la matière ! S'il a éclaboussé de sa classe l'année 2010, il l'aura aussi marquée de manière moins glorieuse en étant le pivot de la crise aboutissant à la démission de l'entraîneur de Santos, Dorival Jr, alors que celui-ci était l'un des plus fervents partisans du jeune buteur, celui qui l'avait convaincu de résister aux sirènes de l'Europe et de Chelsea pour mûrir encore quelques années (mois ?) dans son club formateur. S'il veut réussir une grande carrière, Neymar devra adjoindre à son indéniable talent un caractère plus en phase avec le heut niveau, et en particulier résister à la "melonite" aigüe qui semble le guetter...
Neymar, ou le nouveau "Divino caudino" ?
Les autres personnalités phares de cette catégorie sont José Mariano Beltrame, le secrétaire à la Sécurité de l'Etat de Rio, qui pilote le projet visant à étendre les fameuses UPPs (les Unités de Police Pacificatrice) à toutes les favelas de Rio (ce qui n'est pas reconnaissons-le le boulot le plus facile au monde), puis Cissa Guimarães, l'actrice brésilienne ayant connu la tragédie de perdre son fils Rafael en juillet de cette année, écrasé par une voiture dans le tunnel Zuzu Angel (à Rio), alors qu'il y faisait du skate (!)...et que le tunnel était fermé à la circulation. Sa douleur stoïque et son courage dans cette épreuve ont fait d'elle une sorte de symbole des mères (ou pères) qui voient leurs enfants décéder de manière injuste et prématurée.
 
# Les "Artistes" : 
La catégorie est ultra-dominée par un cinéaste brésilien, qui vient en cette fin d'année 2010 de battre le record absolu d'entrées du cinéma au Brésil : près de 11 millions de spectateurs se sont déplacés en un peu plus de deux mois pour découvrir Tropa de Elite 2, de José Padilha, dépassant ainsi le mythique Dona Flor et ses Deux Maris, le film de Bruno Baretto tiré du grand roman de Jorge Amado, qui détenait le record d'entrées depuis...1976. Les aventures du Colonel Nascimento, confronté cette fois-ci à la terreur des milices dans les favelas de Rio, ont créé un véritable raz-de-marée médiatique et sociétal, la réalité rattrapant d'ailleurs la fiction avec l'opération "Libération de Rio" menée à la fin novembre.
José Padilha, le physique de l'emploi ? 
Les autres "stars" nominées sont le jeune paranaense (de l'Etat du Parana) Alex Kipman, qui a été le grand concepteur et maître d'oeuvre du lancement du système Kinect de la Xbox de Microsoft, venant concurrencer sur son terrain historique la Wii de Nintendo, et le non moins jeune paulista Joe Penna qui a cartonné toute l'année sur YouTube avec son personnage de MysteryGuitarMan ! Ces deux dernières personnalités démontrent également toute la vitalité et l'originalité de la scène culturelle brésilienne, ces deux jeunes impétrants se permettant d'éclipser médiatiquement (ou presque) de superstars do Brasil comme Ivete Sangalo ou Maria Gadu (présentes néanmoins dans la liste des 100, je vous rassure !).

Et vous, quelle est la personnalité brésilienne de l'année selon vous ?

17 décembre 2010

"Aujourd'hui le Brésil", le nouveau-né des sites d'informations consacré au Brésil !

Après avoir décliné sa marque en Asie (Inde, Japon, Corée et Chine -il dispose ainsi dans l'empire du Milieu d'une très belle audience), mais aussi en Russie, le portail d'informations généraliste Aujourdhui Le Monde vient de s'implanter dans le dernier des "BRIC" encore non doté d'une version "locale", en l'occurence notre beau et bon Brésil ! Je vous annonce donc la naissance d'Aujourd'hui Le Brésil, ou l'information sur le Brésil, en français, par une équipe de journalistes et correspondants indépendants basés dans le pays, avec bien entendu un regard particulier porté sur nos compatriotes faisant l'actualité dans le pays, ainsi que pas mal de conseils pour tous ceux qui souhaiteraient s'y expatrier ! Il s'adresse ainsi aux francophones du Brésil, de France et plus largement du monde qui ont un intérêt personnel ou professionnel avec le Brésil.


Parabens donc à Solange Bailliart, qui pilote le projet depuis São Paulo, ainsi qu'aux équipes qui travaillent avec elle ! Bonne chance et longue vie à Aujourd'hui Le Brésil

06 décembre 2010

Fluminense, champion du Brasileirão : les raisons d'un succès

Le championnat national do Brasil vient de s'achever en apothéose pour le doyen des clubs de Rio : le Fluminense FC a en effet obtenu à l'arrachée (à l'issue d'une difficile victoire 1 à 0 contre le déjà relégué Guarani, but de l'ephémère rennais "O Sheik" Emerson) son deuxième titre de champion national, 26 ans (!) après l'unique taça remportée par les Washington et Assis (le frère de Ronaldinho). Le titre national reste donc la propriété de Rio (mon Flamengo ayant été sacré champion l'an dernier, un lointain souvenir désormais pour une équipe ayant flirté avec la rélégation toute l'année et qui termine 2010 à une triste 14ème place...), répétant la même histoire qu'en 1983-1984 (Fluminense succédant à Flamengo).  
Le Flu champion du Brésil, saison 2010
Le Cruzeiro de Belo Horizonte termine le championnat second, à deux points du Flu, en dépassant sur le fil les infortunés Corinthians (du sumotori Ronaldo), qui n'avait pourtant quasiment pas quitté l'une des deux premières places de la saison.

Même si mon coeur rubro-negro saigne de voir l'un des grands rivaux de Fla l'emporter cette année (encore que, c'est un moindre mal, ce n'est pas non plus Vasco l'honni qui est titré !), force est d'avouer que ce deuxième titre (que les torcedores du Flu voudraient transformer en troisième, incluant l'ancienne Taça de Prata obtenue en 1970...avant la création du Brasileirão) est finalement mérité, et ce malgré la rude concurrence orchestrée par les paulistas corintianos -qui disposaient d'après moi du meilleur effectif du pays, avec Elias (déjà recruté par l'Atlético de Madrid), Jucilei, Jorge Henrique, Bruno César, Dentinho ou Ronaldo donc. Mérité car le Flu n'a pas quitté non plus les deux premières places  depuis la 6ème journée du championnat, dans un véritable mano a mano avec les Corinthians, occupant tout de même 18 fois (sur 38) la tête du championnat.

Comment expliquer qu'un club moribond l'année dernière, n'ayant miraculeusement échappé à la degola (descente) qu'en toute fin de championnat, soit aujourd'hui sacré champion brésilien ? Le miracle tient en trois noms selon moi : Conca, Muricy Ramalho et Celso Barros.

# Dario Conca est tout simplement le meilleur joueur du Brasileirão depuis deux saisons maintenant. Tout à la fois meneur de jeu, buteur (9 buts cette saison) et passeur décisif (à 16 reprises !), il a réussi l'exploit de faire oublier aux tricolores qu'il était argentin (énorme rivalité entre les deux frères ennemis du continent !), à tel point qu'une campagne a été lancée pour qu'il soit naturalisé brésilien et puisse jouer avec la Seleção, lui qui à 27 ans n'a pas eu encore l'honneur de revêtir la tunique albiceleste de l'Argentine (Maradona puis Batista ont-ils du caca devant les yeux ??). Il a simplement été stratosphérique cette saison, en participant de surcroît à l'intégralité des 3.420 mn (38 journées fois 90 minutes) du championnat ! Il est en fin de contrat l'année prochaine, et s'il privilégie de continuer à jouer pour le Flu, il devrait faire l'objet d'un siège appuyé de la part des grands clubs européens durant l'intersaison (voire dès le mercato de janvier)...
Conca à cheval dans l'Engenhão hier soir ! 
# En remportant son 4ème titre en 5 ans (après le triplé obtenu avec le São Paulo FC de 2006 à 2008), Muricy Ramalho a confirmé son statut de meilleur entraîneur actuel du championnat brésilien. Arrivé en début de saison du côté de Laranjeiras (le quartier de Rio où siège le club tricolor), il a progressivement diffusé de la confiance et du talent dans l'équipe, et a planté une banderille quasi définitive à la fin juillet, en refusant de reprendre la Seleção abîmée par Dunga le bourrin, faisant alors d'une pierre deux coups : statut d'idole auprès de tout ce que la terre comporte de supporters de Flu (bon ils ne sont pas si nombreux non plus ;), et coup de Jarnac subtil  au principal rival, les Cortinthians de São Paulo...puisque l'heureux élu à la tête de l'équipe nationale fut finalement Mano Menezes...jusqu'alors entraîneur en chef de la plus populaire équipe paulista !

# Dernier "pilote "du succès du Flu (mais pas le moindre), Celso Barros est le président de la mutuelle de santé carioca Unimed, mais aussi (et surtout) le généreux sponsor de l'équipe tricolor depuis 1999 -année lamentable où Fluminense fut bien près de disparaître du paysage footeux brésilien, en descendant alors en 3ème division !  C'est que le Celso en question est un tricolor apaixonado et doente (soit un supporter dingue de son équipe), et qu'il n'a pas lésiné depuis 12 ans en matière d'investissement financier dans le club ! Et en particulier cette année, où il est le sponsor maillot principal, achète un paquet de panneaux autour des stades où joue le Flu, et plus fort encore, où il paie directement de la poche de son entreprise (!) quelques-uns des salaires les plus importants du club (ainsi ceux de Muricy l'entraîneur, du toujours blessé et ex-lyonnais Fred ou encore du luso-brésilien Deco, ex-grand joueur et actuel pas grand-chose, il faut bien le dire...). Cette Celso-dépendance a d'ailleurs quelque chose de vraiment malsain : le nouveau président du Fluminense, le jeune avocat Peter Siemsen, est un simple affidé à Barros, qui est le vrai dirigeant en coulisses du club...
Celso Barros et son petit Fred
Bravo donc au Fluminense pour ce titre (ça me pèse de le dire...). 2011 sera une autre année, la dernière de Ronaldo en tant que joueur  (il veut absolument gagner la Libertadores 2011 avec les Corinthians pour clôre sa glorieuse carrière), l'occasion aussi pour le Flu de laver un noir souvenir, la défaite en finale de cette même Libertadores en 2008, aux penalties, dans un Maracanã plein et desespéré. Mais 2011 sera aussi et surtout l'année de la rédemption pour mon Flamengo, de retour au sommet après une saison toute pourrie ! Vamos mengão !

04 décembre 2010

Le Petit Futé Rio de Janeiro / Minas Gerais 2011 est sorti !

Amis lecteurs, vous le savez -ou peut-être pas : votre serviteur s'est chargé durant quelques (longues) semaines (voire mois ;) de la rédaction / réactualisation du city-guide du Petit Futé sur les Etats de Rio et du Minas Gerais ! Joie non dissimulée, le guide (édition 2011) vient d'être publié, et il est disponible dans toutes les bonnes boutiques de notre monde réel, mais aussi au sein des principaux sites de e-commerce.

Vous le trouverez ainsi évidemment chez l'excellent Amazon.fr :

Si vous êtes plus Fnac.com, vous pourrez en faire l'acquisition derrière ce lien

Si vous êtes amenés à découvrir notre Cidade Maravilhosa, les coins enchanteurs qui l'entourent (Buzios, Paraty, Ilha Grande...), ou si vous êtes férus d'histoire et de culture (et donc forcément attirés par les cités coloniales mineiras telles que Ouro Preto, Tiradentes ou Diamantina), je ne peux que chaudement vous recommander l'acquisition, pour 13€ et des brouettes, et la lecture de ce guide tout chaud, tout frais ! 

30 novembre 2010

Rio, deux jours après la "libération"

"La reconquête", "Le trafic blessé à mort", "La liberté a ouvert ses ailes au-dessus de Rio"...Au surlendemain de l'intervention des forces armées, qui a mobilisé plus de 2.700 hommes, dont 800 militaires fédéraux, la presse carioca verse dans l'emphase, voire dans l'euphorie, pour décrire le franc (mais prévisible) succès remporté par les "gens du Bien" face aux "bandits et aux trafiquants". Le complexo do Alemão, l'une des favelas les plus dangereuses de la ville, est donc "tombé", en moins de temps qu'il faut pour le dire ou quasi -l'intervention survitaminée aura duré tout au plus une heure, dans le clair matin du dimanche 28 novembre 2010. La démonstration de force a eu raison des velléités belliqueuses des quelques 600 "bandits" qui s'étaient réfugiés dans "l'Allemand" depuis vendredi soir et le premier assaut (déjà victorieux) lancé sur Vila Cruzeiro par la Police Militaire de Rio.
La colombe et la Police Militaire : quel beau symbole...
C'est évidemment une magnifique nouvelle pour la ville, pour l'Etat de Rio, pour tous ceux qui rêvent d'une Cidade Maravilhosa pacifiée et libérée de la gangrène mafieuse qui prolifère depuis 30 ans, mais c'est avant tout une nouvelle formidable pour les habitants de ces quartiers déshérités, laissés à l'abandon par les autorités pendant plus de 30 ans, et qui se réveilleront ces prochains jours (semaines, mois, années ?) sans crainte de croiser des trafiquants surarmés dans les ruelles de leurs "communautés" et sans devoir rendre des comptes à ces  représentants des "forces du Mal"...
Mais ce dont on peut se réjouir par-dessus tout, c'est la conduite exemplaire (une fois n'est pas coutume) des policiers et militaires dans la conquête de ce bastion du trafic de drogue, considéré comme inexpugnable voici encore quelques semaines : pas de règlements de compte à outrance, peu de victimes recensées (3, officiellement, toutes du côté des "bandidos", et un modus operandi réussi entre les différentes unités mobilisées (Police Militaire, Police Civile, armée fédérale). C'est d'ailleurs ce que souligne le professeur d'histoire contemporaine Francisco Texeira dans l'excellente colonne de Merval Pereira, du Globo du jour : "Nous avons vu qu'il était possible d'être dur, de maintenir l'ordre, sans violer les droits civils, sans générer de grande violence, sans un bain de sang qui aurait décrédibilisé l'action policière. Nous avons vu de l'efficacité, de la compétence".
Si l'opération s'est déroulée si "pacifiquement", c'est bien sûr parce que les "bandits", apeurés par la démonstration de force, ont renoncé au combat frontal et ont rapidement fui (vers Rocinha ?) ; mais c'est également -et peut-être avant tout- grâce aux propres habitants de "l'Allemand" et de "VC" que les opérations se sont déroulées aussi proprement : pour la première fois, ceux-ci ont étroitement collaborés avec les forces armées, traduisant à la fois une confiance retrouvée dans les représentants de l'ordre et une exaspération sans nom des (anciens) maîtres des lieux, bandits et trafiquants en tout genre. Confiance retrouvée, et il faut ici créditer la politique de sécurité initiée par le gouverneur Sergio Cabral, car les habitants imaginent maintenant que l'Etat va installer des UPP (Unité de Police Pacificatrice, dont je vous ai déjà parlé ici) au sein de ces communautés "libérées", et que le règne du trafic et du pouvoir parallèle est arrivé à son terme, une fois pour toutes. C'est ce que relate le professeur et psychanalyste carioca Joel Birman dans la même colonne de Merval Pereira : "La police a été perçue (dans cette opération) comme un sujet de l'état de droit. Les habitants (des favelas) ont senti qu'ils étaient protégés par une autorité et ils sont ainsi sortis de la peur paralysante qui jusqu'alors les bloquaient...". Bonne nouvelle pour les habitants, ces fameuses UPPs à Alemão et Vila Cruzeiro devraient être inaugurées en juillet prochain -c'est en tout cas ce qu'a annoncé le gouverneur Cabral hier. Dans l'intervalle (il faut trouver et former près de...7.000 hommes pour garnir les rangs des unités "sédentaires" de police dans cet énorme complexe de favelas qui regroupe plus de 400.000 habitants), l'armée fédérale devrait rester sur place, afin de garantir la sécurité des lieux.
Les drapeaux du Brésil et de l'Etat de Rio flottants au vent...
On peut bien sûr regretter la surmédiatisation à outrance de cette "guerre à Rio", en particulier la mise en scène obscène des télévisions brésiliennes (la Globo au premier chef), dans uns sorte de Tropa de Elite revisitée et réaliste, avec force musiques guerrières, on peut regretter le vocabulaire déplacé et l'opposition trop basique entre les forces du Bien (Etat, Police, Armée...) et celles du Mal (trafiquants, bandits...) -en oubliant en particulier que de trop nombreuses favelas sont encore contrôlées par les Milices, ces policiers et ex-policiers corrompus qui imposent une loi encore plus sévère que les propres trafiquants sur les morros qu'ils dominent-, on peut regretter la décision somme toute démesurée, voire déplacée, du maire de Rio Eduardo Paes de faire du 28 novembre la date de "refondation de la ville", on peut regretter la mise en scène typiquement guerrière du "plantage" du drapeau brésilien en haut du complexe do Alemão "libéré" (photo ci-dessus), comme si l'on conquérait un territoire étranger, mais toutes ces réserves il est vrai s'effacent face au résultat, qui est l'établissement de l'état de droit dans une région historiquement délaissée (de façon délibérée ?) par les gouvernements successifs jusqu'à aujourd'hui.
Mais la partie est loin d'être gagnée néanmoins. Des centaines de quartiers de la mégalopole subissent encore le joug, qui des trafiquants, qui des milices, et les communautés "libérées" sont bien moins nombreuses que celles encore "occupées". L'une d'entre elles promet un combat homérique, à la fois symbole historique de la domination du pouvoir parallèle en pleine Zona Sul (les quartiers riches de la ville), tête de pont du trafic de drogue dans la ville, siège de la principale faction criminelle de Rio (l'ADA) et plus grande favela d'Amérique Latine, avec ses quelques 200.000 habitants (estimés) : la Rocinha. Le gouverneur Cabral, tout à l'euphorie de sa réélection voici deux mois, y a promis une UPP pour le début 2011. Les plans d'installation ont pu être chamboulés par les évènements récents, mais il faudra bien y aller. Cela promet d'être le moment décisif pour l'Etat et la ville de Rio dans la stratégie de reconquête des zones de non-droit. En espérant que cette nouvelle "guerre" soit aussi bien menée que celle qui vient de s'achever (?) à l'Alemão, et que tous les habitants de Rio (et pas seulement ceux des quartiers aisés) puissent à terme dormir sans (trop) craindre le lendemain.

25 novembre 2010

"Guerre" à Rio : l'orage avant l'accalmie (définitive) ?

Plus de 50 véhicules incendiées en pleines rues, près de 20.000 policiers militaires et civils réquisitionnés pour sillonner les morros de la ville et "chasser du bandido" à coup d'HK G3, de multiples attaques à main armée sur les postes des forces de police, des "car-jackings" comme s'il en pleuvait, des alertes à la bombe dans tous les quartiers (et jusque dans les plus chics shopping centers de la ville), la Marine Fédérale appelée en renfort pour fournir des véhicules blindés, 27 personnes tuées, c'est le triste comptage en forme de bilan (provisoire) de la flambée de violence qui agite Rio de Janeiro depuis 5 jours, dont les faits ont déjà été relatés par la presse internationale, comme ici sur le site du Monde.
Un bus incendié près de la Linha Vermelha
Ces scènes de guerrilla urbaine, que Rio n'avait plus connues, en tout cas à cette échelle, depuis plus de 5 ans, sont peut-être le chant du cygne des principales factions criminelles de la ville, qui gèrent depuis une vingtaine d'années le trafic de drogues et d'armements au sein de la Cidade (presque) Maravilhosa ; c'est en tout cas le crédo du gouverneur de l'Etat de Rio, Sergio Cabral (brillamment réélu voici quelques semaines à son poste en grande partie grâce au succès de sa politique de sécurité, via l'installation des fameuses UPPs dans les morros de la ville, dont je vous ai déjà parlé ici), et de son Secrétaire d'Etat à la Sécurité Publique, le vigoureux José Mariano Beltrame : d'après eux, les deux principales organisations criminelles de la ville, l'ADA (les Amigos dos Amigos -sic- qui "dirigent" l'une des dernières favelas de la riche Zona Sul non encore "sécurisée", mais pas la moindre, la gigantesque Rocinha et ses quelques 200.000 habitants) et le Comando Vermelho, fortement présent dans les comunidades de la Zona Norte de la ville), en guerre ouverte depuis 15 ans, se seraient unies afin de mettre à mal la stratégie de pacification menée par l'Etat de Rio, qui nuit forcément aux intérêts de leurs "businesses" illégaux respectifs. Le gouverneur promet de ne pas flancher face au chantage présumé, qui consisterait à stopper la création des UPPs (et en particulier celle qui doit prochainement tenter de prendre possession de...Rocinha, au grand dam du Comando Vermelho) en échange du calme -relatif- que la ville retrouverait, alors que des échéances majeures l'attendent -évidemment la Coupe du Monde de Football de 2014 et les Jeux Olympiques de 2016. S'il s'avère que la recrudescence actuelle des violences est bien le fait d'une réaction du "CV" et de l'"ADA" face à l'action pacificatrice de Cabral et Cie, ce dernier a évidemment raison de ne pas céder et de poursuivre la reconquête de quartiers déshérités et trop longtemps délaissés par la force publique. Il me semble que l'installation -déjà annoncée- de l'UPP à Rocinha (qui va réclamer quasiment près de...2.000 policiers postés en permanence au sein de la favela la plus peuplée d'Amérique Latine) va être LE moment décisif : si l'Etat parvient à reprendre durablement le contrôle de la principale plaque tournante du trafic à Rio, de surcroît située près des lieux de consommation (la Zona Sul et ses riches "yuppies"), il aura marqué des points décisifs dans cette guerre sans nom qui se déroule depuis plus de trente ans et qui pourrit la vie de ses habitants, en particulier des plus pauvres.
José Mariano Beltrame, le Secrétaire
 à la Sécurité Publique de l'Etat de Rio 

Cependant, face à cette version officielle qui reproduit le modèle basique d'opposition entre les "preux chevaliers" de l'ordre public (l'Etat, la Police Militaire, le BOPE...) et les terribles trafiquants avides de pouvoir et d'argent (le CV, l'ADA, mais aussi plus largement -et plus insidieusement- une large partie des habitants des favelas, à qui les habitants de l'asfalto -par opposition à la terre battue qui couvre les principales artères des morros cariocas...- en voudraient presque d'avoir pour certains d'entre eux retrouvé la paix via les UPPs...), des voix dissonantes s'élèvent, mettant en cause la stratégie globale de sécurité de l'Etat de Rio, comme la dramatisation excessive des évènements de ces derniers jours -sans parler des exécutions sommaires survenues dans les favelas, et ce terrible bilan de 27 tués, à date. 
La sociologue Julita Lembruger
Dans un entretien réalisé hier pour la Folha de São Paulo, la sociologue Julita Lembruger, spécialiste du système pénitentiaire brésilien, dresse un sévère constat sur la politique de sécurité menée par l'Etat de Rio : "Il y a un manque flagrant de continuité dans la politique de sécurité publique à Rio. Au contraire de São Paulo, qui a beaucoup investi, en particulier en technologie. A São Paulo, 60% des homicides sont résolus. A Rio, seuls 8% d'entre eux le sont. A São Paulo, il existe depuis longtemps une division dédiée aux homicides (600 hommes). A Rio, elle vient d'être créée, et ne compte que 250 hommes, alors que l'Etat de Rio enregistre 30% d'homicides en plus que celui de São Paulo...A Rio, il y a une politique de développement des UPPs, mais il n'y a pas de politique de sécurité. A aucun moment on n'a une idée de ce qu'est la politique de sécurité publique de l'Etat là où il n'y a pas d'UPP. Ils (l'Etat) ont réussi à très bien articuler la stratégie autour des UPPs. Mais après ? Il y a seulement 13 communautés dotées d'une UPP (sur plus d'un millier de favelas recensées à Rio...). Quelle est la politique pour le reste de l'Etat ? Il ne suffit pas de mettre des policiers dans les rues, il faut planifier et monitorer les actions de sécurité, mais pour cela il faut connaître parfaitement la réalité du terrain...Le risque majeur que je vois (dans la répression actuelle) est de tomber dans une spirale de la violence qui deviendrait impossible à résoudre."   

De son côté, le sociologue carioca Ignacio Cano déplore dans un entretien fait à la BBC Brasil l'exagération, aussi bien médiatique que gouvernementale, dans les discours des uns et des autres, et rappelle qu'il n'y a par exemple aucun comptage officiel du nombre de "car-jackings" (arrastões en portugais) qui se produisent à Rio, que la caisse de résonance liée au fait que certains d'entre eux se soient produits dans la riche Zona Sul a joué à plein, qu'il existe une tendance forte, qui survient de manière "cyclique", à la dramatisation des évènements du type de ces derniers jours, ou qu'encore il n'est pas formellement possible de lier la vague actuelle de violences au développement des UPPs, et qu'enfin il convient de regarder les chiffres officiels de la criminalité pour constater que la situation est structurellement en train de s'améliorer (baisse des vols et des homicides à Rio). 
Enfin, il est à noter que le propre Commandant Général de la Police Militaire de Rio, le colonel Mario Sergio Duarte, a rappelé sur son compte Twitter hier que les évènements de ces derniers jours étaient "le résultat d'années de mauvaise distribution des richesses, d'inégalité sociale, d'acceptation de la 'favelisation' et de combat social inefficace".

Quoiqu'il en soit, il me semble que les responsables politiques de l'Etat devraient absolument lutter contre le discours ambiant, qu'ils contribuent à entretenir aujourd'hui, faisant passer la majorité des habitants des favelas comme des criminels a priori (en envoyant par exemple aujourd'hui même des véhicules blindés et le BOPE -les forces spéciales de la police carioca- "nettoyer" le quartier de Vila Cruzeiro, le tout relayé par un discours exagérément guerrier), insister vraiment dans les paroles sur le distinguo traficant / habitant de la favela et dans la mesure du possible préserver la vie de tous -la présomption d'innocence est inscrite dans le droit brésilien, et la peine de mort abolie...en théorie. 

18 novembre 2010

Ensaio à Salgueiro, le Carnaval 2011 se prépare !

Tout le monde connaît le Carnaval de Rio, l'évènement majeur et grandiose de la fête au sein de la Ville Merveilleuse, et celui qui lui confère beaucoup de son prestige et de son image hédoniste. Ce que les gens savent moins, c'est l'incroyable travail préparatoire que requièrent ces 5 jours de fête, en particulier le point d'orgue que constituent les deux nuits des défilés des écoles de samba du Groupe Spécial (les 12 meilleures écoles de la ville, donc du Brésil, donc du monde :).

En effet, tout débute bien avant la date fatidique du Carnaval en lui-même (programmé en 2011 du 4 au 9 mars prochains), au moins 8 à 9 moins avant, avec le choix du thème que l'école mettra en scène (dit enredo), puis avec la véritable compétition interne qui anime chacune des écoles pour élire la musique qui se mariera avec l'enredo élu (musique dite la samba-enredo). Alors que les premiers costumes (fantasias) et chars (carros alegoricos) commencent à être conçus (et pour les premiers mis en vente auprès des foliões -fêtards- souhaitant défiler), chacune des écoles débute les importantes répétitions (ensaios) visant à exécuter au mieux le défilé lors du Carnaval. Ces ensaios ont tout d'abord lieu au sein des quadras (siège) de chaque école, avant la grande répétition générale qui intervient quelques semaines avant le jour J dans l'enceinte même du Sambodrome -je vous avais d'ailleurs fait partager ici l'ensaio tecnico que nous avions accompli avec Imperatriz l'année dernière.

Tout cela pour vous dire que, si nous n'avons pas encore choisi l'école avec laquelle Nathalie et moi défilerons cette année (cela devrait être soit São Clemente, soit...Salgueiro elle-même), nous avons profité du week-end à rallonge (ainsi que de la présence de ma douce belle-soeur Domi) pour aller assister ce samedi à l'un des premiers ensaios de la grande et traditionnelle Salgueiro (vainqueur en 2009) au sein même de sa quadra, dans le quartier de Tijuca.

Après une arrivée tranquille vers les 23h30 aux abords de l'école, nous entrons au sein de la quadra, non sans avoir versé notre (raisonnable) dîme de 25 R$. Nous y croisons une superbe (?) créature accompagné(e?) de son sympathique molosse, et faisons l'incontournable photo devant le logo de l'école nonacampeão (9 victoires au Défilé dans son histoire, faisant de l'école tijucana la quatrième école la plus titrée du Carnaval de Rio, après Portela, Mangueira et Beija-Flor).

Et puis nous pénétrons dans l'enceinte centrale, la quadra mesma, récemment "réformée" comme le disent les brésiliens (soit "restaurée"), et qui en jette vraiment avec ses alignements de carreaux rouge et blanc au plafond, ses accortes donzelles lovées dans l'espace présidentiel, sa velha guarda ("vieille garde", les anciens musiciens et sambistas illustres de l'école) trônant sur la scène principal ou encore sa fameuse bateria "furiosa" (le groupe -essentiel- de percussions), actuellement la plus réputée de toutes les écoles du plateau.

Mais bien entendu, c'est la musique, c'est le samba qui fait chavirer la quadra dès les premières notes et les premiers déhanchements des superbes -et néanmoins replètes pour la plupart ;)- danseuses salgueirenses, toutes vêtues d'une tenue rouge sang des plus seyantes.
L'ambiance monte d'un cran quand apparaît au centre de la bateria Furiosa celle que tout le peuple de Salgueiro appelle affectueusement Viviane, celle qui a été élue deux fois de suite (en 2008 et 2009) meilleure rainha de bateria du Défilé du Carnaval de Rio, celle dont le tour de cuisse (68 cm) est plus large que son tour de taille (65 cm), celle qui a posé langoureusement (voire plus) dans un PlayBoy resté fameux dans les allées de Salgueiro (ça se passe ici, mais restez avec moi pour l'instant, vous irez voir les photos ensuite !), celle qui a juré fidélité à l'école rubro-branco, j'ai nommé Viviane Araujo !
Et puis c'est le moment tant attendu (un de plus) de la découverte du nouveau samba-enredo (la chanson créée pour le Carnaval 2011), qui a pour thème le cinéma brésilien. Les jeunes danseurs de l'école, tout de blanc vêtus, nous font une impressionnante démonstration de leurs déhanchés, tandis que la belle Porta-Bandeira (porte-drapeau) et son Mestre-Sala (son compagnon masculin) s'agitent devant les flashes et les caméras (dont celle de nos amis de l'émission Echappées Belles sur France 5, dont nous aurons l'occasion de reparler...). Le samba-enredo nous semble très réussi, quoique peut-être un peu ardu à chantonner. Nous verrons bien ce qu'en diront les spectateurs et les jurés en mars prochain !

Ci-dessous les trois vidéos qui devraient vous plonger dans l'ambiance festive de la quadra, pour quelques minutes !

Un grand moment de fête, comme seul Rio peut nous en offrir ! Prochaine visite : la fameuse quadra de Mangueira, l'école la plus populaire de la ville. Encore un grand moment en perspective ! 

13 novembre 2010

Le "Real Gabinete Português de Leitura ", la splendeur historique de Rio

Amis lecteurs, j'ai décidé de vous emmener aujourd'hui à la découverte de ce que je considère être le plus bel édifice historique de la Cidade Maravilhosa, rien que ça.

Il s'agit de l' -étrangement- assez méconnu (il n'est pas présent dans tous les guides de tourisme, par exemple pas une ligne sur lui dans les éditions 2009 du Routard ou du Petit Futé) Real Gabinete Português de Leitura, soit littéralement la "Salle Royale de Lecture Portugaise". Le bâtiment, inauguré en 1887 dans un plus pur style manuélin (du roi portugais Manuel Ier), se niche dans la petite rue Luiz de Camões, dans le Centro de Rio, tout près de la Praça Tiradentes. Sa façade externe, d'une grande richesse décorative, mélange les influences gothiques et mauresques, et porte haut les couleurs du Brésil et de l'ex-puissance coloniale, le Portugal.
La façade extérieure, style manoélin
Les drapeaux unis du Brésil et du Portugal
Le Portugal, dont l'influence est constante également à l'intérieur de l'édifice, puisque cette bibliothèque majestueuse aux lambris tour à tour dorés ou boisés, son somptueux lustre et son vitrail de toit éclatant, abrite la plus belle collection de bouquins lusophones du monde en dehors de sa terre originelle -plus de 350.000 oeuvres sont ainsi disponibles dans l'enceinte du Real Gabinete.
L'entrée du Gabinete
L'intérieur, somptueux, de la bibliothèque
L'intérieur, encore des livres...

Au-delà de la beauté architecturale du lieu, il se dégage de la bibliothèque une atmosphère de sérénité qui invite à la méditation et à l'introspection. Les étudiants ou retraités sont nombreux à se rendre dans le Gabinete pour y réaliser leurs recherches ou devoirs, ou tout simplement pour y lire paisiblement le journal du jour. Le tout sous l'oeil protecteur de Machado de Assis lui-même, considéré par beaucoup comme le plus grand écrivain brésilien, dont le buste trône à l'entrée de ce bâtiment historique qui doit absolument faire partie de votre balade touristique et culturelle du Centro de Rio de Janeiro. 

Machado de Assis, qui fut président
de l'Académie Brésilienne des Lettres

03 novembre 2010

Dilma élue : le beau courrier d'un lecteur du Globo

Dilma Rousseff vient donc d'être (largement) portée à la tête de la présidence du Brésil, en obtenant près de 56% des voix au second tour face à son rival malheureux, José Serra. Avant de revenir plus longuement sur le parcours étonnant de celle qui devient ainsi la première femme présidente de l'histoire de ce pays-continent, je voulais partager avec vous cette belle missive envoyée le lendemain de l'élection, par Ivan Mouta, lecteur carioca du quotidien O Globo, dont je partage pleinement le contenu.

"La victoire de Dilma ne montre pas seulement  tout le prestige du président Lula. C'est également une évidente démonstration de satisfaction et de confiance que le peuple brésilien a témoigné au gouvernement actuel. Le résultat des élections montre plus encore : la société brésilienne s'éloigne de plus en plus de toutes les idées préconçues qui ont tant retardé notre pays. Au final, il faut admettre qu'il y a quelques années, il aurait été impensable qu'un leader syndical venu du Nordeste et avec quasiment aucun bagage scolaire soit élu, puis réélu, et encore plus qu'il fasse d'une femme son successeur. Si l'on met de côté les idéologies, c'est une preuve irréfutable de la maturité politique atteinte par notre pays."

Parabens, Ivan ! :)

19 octobre 2010

Trancoso, Caraiva, le Bahia sauvage...

Si vous avez la chance de résider à Rio, vous savez combien il peut être compliqué de s'évader de notre Cidade Maravilhosa lors d'un week-end prolongé, ces fameux feriados qui parsèment le calendrier brésilo-carioca : embouteillages monstres pour quitter le centre-ville (ah le fameux pont de Niteroi on my way to Buzios, ouh la jolie Avenida Brasil rumo até Ilha Grande...). Sans compter qu'une fois enfin arrivés à destination, vous devriez avoir le "plaisir" de barboter dans une mini-cachoeira envahie par 500 congénères en tongs (à Itatiaia) ou encore de chercher une micro-place pour la serviette sur la praia do Azedinha à Buzios, en attendant que la marée ne vous repousse sur les rochers...

La ruse de sioux, à condition d'avoir un peu de sous et un chouia plus de temps qu'un feriado classique (hop je rajoute un jour ou deux pour faire de mon pont un viaduc), c'est de mettre la famille dans un avion (depuis Santos Dumont, s'il vous plait) pour en deux heures de vol rejoindre des coins paradisiaques et (beaucoup plus) isolés. Et c'est ce que nous avons fait lors du feriado de la semaine dernière ! Notre choix s'est porté sur la côte bahianaise, où l'abondance de biens marins ne nuit point, plus précisément au sud de la dite côte (à 700 km de Salvador tout de même...) : nous sommes ainsi partis à la découverte de la côte...du même nom (Costa do Descobrimento, en portugais), appelée ainsi car ce sont ici que les navigateurs portugais (Pedro Alvares Cabral, en 1500, puis Gonçalo Coelho, en 1503) ont abordé en premiers la terre de Brésil (qui ne s'appelait pas encore comme cela).

Le point de départ de cette fameuse côte (cf carte ci-contre), et sa capitale officieuse, en est Porto Seguro. Ville tranquille de 130.000 habitants lovée autour du cap du même nom, la cité abrite en sa partie haute les plus vieux vestiges de l'histoire portugaise au Brésil : les ruines de la première école jésuite du pays, l'église Matriz de la patronne de la ville, Nossa Senhora da Penha, et surtout la premier édifice religieux construit au Brésil (avant d'innombrables autres...), l'église São Francisco, érigée en 1525 (sous réserve ;). Porto Seguro abrite également quelques magnifiques plages sur sa Orla Nord -qu'en vérité nous n'avons pas expérimentées...je n'en dirais donc pas plus.

Ci-dessous quelques photos du centre historique de Porto Seguro.

Mais ce n'est pas à Porto Seguro où nous avons choisi de résider. Non, c'est une quarantaine de kilomètres plus au sud, là où la côte se fait plus sauvage, les villages plus "rustiques" et les plages -encore- plus accueillantes. A Trancoso donc (cf carte), hameau qui doit une partie de sa célébrité au fait qu'il héberge sur sa côte nord un très chic village du Club Med. Ce n'est pas au Club non plus où nous avons logé, mais à la vraiment très chouette (je parle comme le Guide du Routard moi ;) Pousada Mata Nativa, située à quelques encablures du centre du village (son superbe Quadrado, dont on va reparler) et toute proche également des plages (celle des Nativos étant à 200 mètres). 

Les plages, parlons-en : elles sont vraiment superbes, et variées, tout au long de cette côte où le sable courre sans discontinuer sur quasiment 100 kilomètres. 
- La Praia dos Nativos, donc, la plus proche du village. Belle et sauvage, avec sa mini-lagune aux eaux un poil saumâtres, il faut l'avouer ;
- La Praia dos Coqueiros, la plus fréquentée et la plus "envahie" par des cahutes vendant force cervejas et autres picadinhas à grignoter toute la journée. Musique com som alto, bien entendu !  
- Plus au sud, s'étalent jusqu'au charmant village de Caraiva les plages à la fois les plus belles et les plus sauvages : Praia do Rio Verde (et son excellent bar restau Pé na Praia), Praia d'Itapororoca ou encore la myhtique Praia do Espelho, régulièrement classée parmi les plus belles plages du Brésil. Par un terrible coup du sort météorologique, nous n'avons même pas pu en profiter ! Cela nous donne une bonne raison d'y retourner quand le ciel bahianais aura cessé de pleurer...
- Au nord de Trancoso, deux autres magnifiques plages : la Praia do Rio da Barra, et ses falaises ocres, et la Praia do Taipe, où nous avons dégusté un poisson (dont j'ai oublié le nom) à la saveur à se damner ! Petite cahute à découvrir donc, ci-dessous les photos ! 
La pousada Mata Nativa

Et Trancoso lui-même, alors ? Eh bien, le village est vraiment agréable, perdu au milieu de la Mata Atlantica, au pied d'une falaise offrant une superbe vue sur l'océan. Il doit il est vrai beaucoup de son charme au Quadrado, son immense place centrale à l'herbe clairsemée qui borde la falaise en son côté est, où trône, solitaire, l'église Matriz de Trancoso, carte-postale incontournable des lieux. Le lieu devient magique à la nuit tombée, des dizaines de loupiotes multicolores aux reflets doucement tamisés venant éclairer le pourtour de la place : autant de restaurants ou d'adorables boutiques de décos à découvrir au gré de sa balade nocturne...

Dernière belle découverte de la région, et pas des moindres. Celle-ci sait se faire désirer : il vous faut emprunter un chemin boueux (car oui il a beaucoup plu durant nos 5 jours de séjour sur place !) sur plus de 30 kilomètres pour arriver dans un nouveau bout du monde, éloigné de tout (sauf de l'ethnie native des Indiens Pataxo). Vous laissez votre voiture près du gué d'une petite rivière se jettant à quelques encablures dans l'océan, et vous voilà embarqués sur une pirogue hors d'âge. Le rio traversé, vous voici arrivés à Caraiva, un minuscule village de quelques centaines d'âmes, aux ruelles de sable gris, où les voitures n'ont pas droit de cité, où chaque habitation semble abriter une petite chambre qui peut faire office de pousadinha pour le routard émérite. Et puis la côte océane, belle, immaculée, aux plages de sable doré. Une sensation de zénitude incroyable, un endroit pour oublier la civilisation...

A vous de venir découvrir ces trésors de la riviera de Bahia !

03 octobre 2010

Présidentielle au Brésil : en route vers le second tour !

Second tour ou pas second tour ? C'était LA question que journalistes, commentateurs politiques et simples citoyens se posaient avant que les 135 millions d'électeurs qui composent le Brésil ne se rendent aux urnes, en ce dimanche grisâtre sur Rio. Dilma Rousseff, la candidate du PT, allait-elle réussir là où même le grand Lula, son modèle et mentor, avait échoué : se faire élire président(e) de la république fédérale du Brésil dès le premier tour de scrutin ? 
Le verdict vient de tomber : avec 46,7% des voix (soit près de 47 millions de votants), Dilma l'élève ne sera pas parvenue à dépasser Lula le maître. Pis, alors que les tous derniers sondages lui prédisaient tous entre 49 et 52% des voix, elle fait même moins bien que le président en titre lors du premier tour de 2006, où Lula avait collecté 48,6% des suffrages. La (relative) surprise vient du très bon score de la verte Marina Silva, qui obtient près de 20% des voix -elle réussit même la prouesse d'être en tête dans le District Fédéral de Brasilia. Cela ne lui suffira néanmoins pas pour être présente au second tour, le tucano (le toucan est l'emblème du PSDB) José Serra s'accrochant bien solidement à la deuxième place et recueillant les faveurs de près de 33% des électeurs.  

La carte des votes et les scores des candidats - le 3 octobre à 22:30
Les citoyens brésiliens ont donc décidé de s'accorder un second tour, qui aura lieu le 31 octobre prochain. La démocratie en sort à mon sens grandie : le plébiscite pro-Dilma avait quelque chose d'artificiel et de presque injuste pour les deux autres candidats, et les quatre semaines qui s'ouvrent ne seront pas de trop pour creuser la question des programmes et du Brésil que veulent chacun des candidats des deux grands partis qui occupent l'espace politique brésilien depuis la "redémocratisation", il y a maintenant 20 ans. 
Un mot sur l'Etat de Rio, où le gouverneur sortant Sergio Cabral, fort d'un bilan honorable (en particulier la baisse de la criminalité orchestrée par la mise en place des fameuses UPP dans les favelas de Rio), a mis une pâtée à son opposant Fernando Gabeira : 62% des voix exprimées contre 21% pour le président du PV (Parti Vert). Heureux qui comme Sergio...
Deux lignes également pour un peu d'autosatisfaction : j'avais annoncé ici le second tour, en surestimant même un peu Dilma (je lui prédisais 48,5%), mais en annonçant le score exact de Marina (19,5%) ! :)
Bref, on revient sur tout ceci sur le blog du Frenchman in Rio d'ici peu, en particulier le jeu des alliances -quelle sera la position de Marina ? Sera t-elle alignée avec la position de son parti ?...A suivre de près ! 

01 octobre 2010

Dernier débat de la présidentielle au Brésil : enfin (un peu) de fond !

Alors que je me désespérais dans un post précédent (cf mon petit espace Ola Brasil que m'ont gentiment ouvert les amis de chez Rue89) de l'absence totale de mise en avant des idées et des intentions programmatiques des principaux candidats dans la campagne présidentielle brésilienne qui s'achève (le vote du premier -et seul ?- tour a lieu ce dimanche 3 octobre),  un petit miracle est survenu lors du débat de ce jeudi soir, le tout dernier avant que les électeurs se prononcent, durant lequel les apprentis présidents ont rangé leurs couteaux et tu leurs vaines querelles pour enfin présenter quelques-unes de leurs "promesses" électorales.
Serra, Dilma et Marina à l'issue du débat de ce jeudi
On a ainsi pu apprendre en vrac et en fonction des thématiques soumises par le présentateur vedette de la Globo, William Bonner, que :

# Sur le droit du travail, Marina Silva (PV) et José Serra (PSDB) se retrouvaient pour estimer qu'il fallait créer un statut spécifique pour les nouveaux entrants sur le marché de l'emploi, en maintenant le niveau des droits tout en simplifiant les formalités administratives pour embaucher, afin de réduire le travail dit "informel" (estimé à 50% des emplois pour les deux candidats de l'opposition). Dilma (par ailleurs habillée comme un sac), sur ce terrain, a fait du Dilma, et s'est bornée à énumérer la réussite (réelle mais passée) du gouvernement Lula, qui aura créé près de 15 millions de nouveaux emplois en 8 ans de présidence.

# Sur les impôts et taxes, le jeune (80 ans) et socialiste Plinio Sampaio (PSOL) a annoncé qu'il voulait supprimer l'ICMS (une taxe imposant les transferts de services et de produits entre les Etats de la Fédération du Brésil), José Serra étant de son côté partisan d'une sorte de TVA zéro sur tous les produits dits de première nécessité (lait, pâtes, riz...), une mesure qu'il avait déjà institué en tant que gouverneur de l'Etat de São Paulo.

# Sur les retraites, Marina a annoncé la mise en place d'un système de "récupération du pouvoir d'achat" (sans rentrer dans les détails...) des retraités, tandis que Serra a promis une hausse de 10% du montant des retraites pour 2011, qui, couplée à son autre promesse de faire passer, dès 2011 là aussi, le salaire minimum à 600 R$ (vs 510 R$ aujourd'hui), sont des mesures qui vont "rendre du pouvoir d'achat" au peuple.

# Sur le logement, Dilma a sans surprise ressorti le bilan du programme "Minha Casa, Minha Vida" (j'en parle ici pour plus d'infos ;), et a annoncé que celui-ci serait étendu et amenagé pour servir en priorité les 2 millions de femmes vivant seules avec des enfants et sans logement décent. Marina, quant à elle, souhaite lancer un grand programme d'urbanisation des favelas du pays (un "Morar Carioca" national ?), sans toutefois en préciser le coût.

# Sur la sécurité, Marina souhaite augmenter fortement le salaire des policiers civils et militaires afin de les "aider" à résister à la tentation de la corruption.

# Sur le traitement des eaux usées (un point crucial au Brésil puisque seulement une petite majorité -59%- des domiciles brésiliens bénéficient du tout-à-l'égout), Marina a annoncé qu'elle voulait investir plus de 45 milliards de reals (!!) en 4 ans pour parvenir à un taux de 100% d'ici à la fin 2014.

# Sur la santé, Plinio a annoncé qu'il souhaitait désormais consacrer 10% du PIB du pays (contre un peu plus de 4% aujourd'hui) au secteur de la santé et à son amélioration.

# Sur les mesures sociales,  on a quand même eu droit à une petite passe d'arme entre Serra et Dilma, les deux s'attribuant la paternité de la fameuse Bolsa Familia (une allocation de ressources pour les plus démunis). Serra a ainsi souligné que les programmes Bolsa Alimentação et Bolsa Escola du gouvernement de FHC (1995 à 2002) étaient les "inspirateurs" de la Bolsa Familia, instituée par Lula en 2004 (cette dernière atteignant une échelle bien plus élevée, il est vrai). Serra a promis qu'il maintiendrait et renforcerait le dispositif s'il était élu...

Bref, dans ce débat, on en a plus appris en deux heures sur les intentions des uns et des autres qu'en quasiment deux mois de campagne ! Le plus saisissant, c'est que les médias (en particulier les opposants à Lula et Dilma, le quotidien O Globo et le newsmagazine Veja) ont été très critiques sur la teneur des discussions, regrettant presque l'absence de polémiques (O Globo s'était spécialisé dans les titres "Serra attaque Dilma qui attaque Marina qui attaque Serra...") et le ton prétendument "morne" du débat. Celui-ci fut pourtant le plus consistant (et de loin), le plus courtois (ce qui n'est pas interdit en politique, l'invective ne doit pas être la règle, me semble t-il) et le plus explicite en matière de programmes respectifs (c'est bien cela que l'électeur est censé évaluer, non ?) des différents candidats. Les analystes politiques soulignent également que le débat ne devrait pas changer fondamentalement la donne du vote à venir. Est-ce à dire que Dilma, largement en tête des intentions de vote (de 50 à 54% des votes valides en fonction des instituts selon les tous derniers sondages), devrait l'emporter dès ce dimanche, rendant inutile le passage devant les urnes le 31 octobre prochain pour un hypothétique second tour ? Quoi qu'il en soit, cela devrait être très serré, la surprise pouvant venir moins d'un rebond de Serra (que j'ai pourtant trouvé -pour une fois- très bon hier, mais moi je ne vote pas...) que d'un score de Marina au-delà des prévisions initiales (celles-ci étant autour de 15%).

Avant d'achever ce qui pourrait être mon dernier post de ces présidentielles brésiliennes (quoique non, je vous ferai de toute façon un petit papier dès dimanche soir...ou lundi matin !), un dernier mot pour vous témoigner ma stupéfaction de voir le Tribunal Suprême Fédéral (le STJ en portugais) changer au dernier moment les règles du scrutin : l'organe juridique le plus haut de l'Etat a en effet annoncé hier que finalement il n'était plus nécessaire pour les électeurs de présenter, en plus d'un document d'identité avec photos, son titre d'électeur. Quelle est cette démocratie où les modalités pour voter sont modifiées seulement trois jours avant le choix du plus important personnage de l'Etat ?? A qui profite le crime, se demande t-on ingénument ? Si c'est à quelqu'un, c'est à Dilma, dont l'électorat plus populaire et moins instruit aurait peut-être eu plus de mal à présenter les deux documents en bonne et due forme...

Allez un petit pronostic pour terminer, ça ne mange pas de pain ;)
Comme j'ai envie d'un second tour, je dis :
- Dilma, 48,5% des votes exprimés
- Serra, 29%
- Marina, 19,5%
A dimanche !

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